D'un côté, la rue de Rivoli moins bruyante depuis qu'elle est presque réservée aux cyclistes. De l'autre, les jardins du Louvre. Et dans cette aile du musée des Arts Décoratifs – les initiés disent le MAD — situé dans le Palais du Louvre, on pénètre dans le saint des saints. Des réserves qui abritent environ 200 000 dessins.
De prime abord, ce n'est pas impressionnant. Plutôt des étagères remplies de vieux grimoires, comme des tranches de très gros ouvrages bibliophiliques, on appelle ça des portefeuilles. Ils contiennent des dessins regroupés par thèmes, écrits à la main d'une écriture de maître d'autrefois : « Dessins pour les Évangiles », « Cours de compositions décoratives », « Oiseaux de basse-cour et de chasse, Japon », « Oiseaux de proie, Japon », « Châteaux et palais », « Architectures églises », « Êtres chimériques ». Un peu plus loin, les noms changent : « Boîtes à pilules, boîtes à cigarettes, coupe-papier ». Que des dessins de coupe-papiers! « Colliers, bracelets », « Pochoirs ». Des esquisses de mode, de design. Certains artistes ont aussi droit à une étagère entière sous leur seul nom, comme le pape de l'art brut, Jean Dubuffet. Mais que ses œuvres graphiques font-elles là? Il les a léguées, tout simplement.
« Quand j'ai été recrutée, moi-même, il y a trois ans, je ne savais pas qu'il y avait autant de choses, autant de dessins. C'était dans des boîtes. Des artistes ont donné leurs fonds complets », sourit Bénédicte Gady, une ancienne du Louvre embauchée par Olivier Gabet, le directeur du Musée des Arts Décoratifs, pour remettre en ordre ces inventaires datant parfois de la fin du XIXe siècle. Elle en a fait une splendide exposition, « Le dessin en réserve », sélection de dessins sur cinq siècles, tous venus de ces interminables tiroirs en réserves, parfois pas ouverts depuis très longtemps.
Ici se cachent des trésors de Watteau, Fragonard, Boucher, de la Renaissance italienne, de Degas, des croquis de mode fabuleux, des prototypes de fauteuils ou de meubles, des esquisses de Mallet-Stevens. Différentes époques du design et de l'architecture du XXe siècle se mêlent à ces fameux oiseaux japonais, arrivés là en raison de la mode du japonisme qui a marqué la France de la fin du XIXe.
Former le goût des consommateurs
Un joyeux bric-à-brac né de l'origine singulière de ce musée, aujourd'hui l'un des plus importants à Paris, qui a connu certaines expositions à très grand succès, comme sur Christian Dior ou la poupée Barbie. Décidément le grand écart. En 1864, des artistes, manufacturiers, producteurs dans les métiers de la mode et du design décident de créer une association, qui deviendra ce musée. « Il y avait la peur de perdre la prééminence de la France dans les arts décoratifs. L'idée était aussi de former le goût des consommateurs, des clients potentiels, et de l'opinion », explique la conservatrice. En 1905, l'Etat offre les locaux à l'association. Le palais du Louvre abrite ce drôle de petit frère, qui a aussi organisé des expositions sur Star Wars, ou les chaussures du Moyen Âge à aujourd'hui. Tout ce qui brille, tout ce qui étonne, tout ce qui innove.
Mais on y a rarement vu les dessins, des liasses par milliers, oubliées, par manque de personnels. La conservatrice a ainsi inventorié 18 000 dessins d'un fonds d'un donateur alors qu'on lui avait dit que ces portefeuilles-là n'en contenaient que 6000. Une vraie mine, comme cette centaine de dessins légués par le grand couturier Paul Poiret, avant sa mort dans les années 1940. Auguste Rodin, lui, en a donné… huit. Allez savoir pourquoi. L'exposition en présente un.
Un musée qui attire les spécialistes du beau, de la mode, de la ligne parfaite, mais qui parle au fond à tout le monde, avec ses jouets des années 1960 ou son mobilier qui rappelle notre enfance.
L'exposition « Le dessin sans réserve », jeu de mots sur l'énormité du fonds et sa provenance dans les pièces cachées du musée, fascine comme un cabinet de curiosités. Quoi de commun entre un dessin de Degas et un croquis de mode de l'atelier de couture Jeanne Lanvin ? Ah si, ce sont des femmes, très habillées dans un cas, nues et sans apprêt de l'autre. De grandes bourgeoises et une ouvrière, voire une prostituée. Des rapprochements s'esquissent sans arrêt, des chocs visuels. Comme quoi un musée peut réaliser une exposition d'une originalité absolue, en rangeant simplement ses étagères…
«Le dessin sans réserve», exposition jusqu'au 31 janvier 2021, Musée des Arts Décoratifs (Paris Ier).
August 01, 2020 at 02:40PM
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Exposition : au Musée des Arts Décoratifs, les dessins sortent de la réserve - Le Parisien
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